Note : Les lois de révision de bioéthique de 2019 n’ont au jour de la rédaction de cette brochure pas encore été votées. Nous utilisons donc le conditionnel dans cette partie pour parler de certains aspects, qui étant donné le résultat des débats parlementaires, sont susceptibles d’être votés mais qui n’ont pas encore été adoptés à ce jour.

Jusqu’en 2016, la transparentalité était limitée par la loi française qui exigeait la stérilisation des personnes trans, pour accéder à une transition administrative. Dénoncée par le Défenseur des droits européen depuis 2009, cette condition a été supprimée le 18 novembre 2016 (Art. 61-6. LOI n° 2016-1547).
Ainsi, plusieurs voies s’offrent aux personnes trans souhaitant accéder à la parentalité.

L’ADOPTION

Nous pouvons prendre l’exemple de l’Agence Française de l’Adoption, seul organisme d’adoption public en France, et soumis à des règles de non-discrimination.
En 2018, 2219 dossiers étaient sur liste d’attente, pour 160 adoptions finalisées (statistiques AFA, 2018). Bien qu’il existe par ailleurs de nombreuses agences privées, l’adoption semble être une voie de la parentalité assez peu accessible à la fois dans le public et dans le privé.

LA PMA

L’assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA) peut être envisagée. En fait, ce nom ne désigne pas une pratique en particulier, mais simplement le fait que la médecine intervienne pour permettre une conception in vitro. Elle peut impliquer :

  • la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons ;
  • le transfert d’embryons ;
  • l’insémination artificielle.

Elle n’est accessible qu’aux couples composés d’un homme et d’une femme à l’état-civil, avec un diagnostic d’infertilité. La révision de la loi sur la bioéthique devrait en permettre un accès plus large.

PROJET PARENTAL

La gestion par autrui (GPA) est décrite par les Codes civil et pénal comme « le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. » (art. 16-7 loi n° 94-653).
La GPA est interdite en France, contrairement à la PMA. Cette dernière reste toutefois très encadrée jurdiquement. La GPA est en revanche légale dans certains pays.

CONSERVATION DES GAMÈTES

La PMA peut inclure le recours à un don de gamètes par autrui. Néanmoins, il est également possible de faire conserver ses propres gamètes dans des Centre d’Études et de Conservation des OEufs et du Sperme (CECOS), notamment si l’on souhaite faire pratiquer certaines interventions chirurgicales sur ses organes génitaux ou si l’on craint que la transition hormonale affecte sa fertilité.
Le Code de la santé publique (art. L2141-11) précise que « toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité (…) peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes. »
La prise en charge hormonale et chirurgicale d’une transition médicale peut altérer la fertilité des personnes trans. Pourtant, l’écrasante majorité des CECOS de France refuse les personnes trans. Par ailleurs, de nombreux couples dans diverses configurations, dont les gamètes ont été conservés par un CECOS, sont prévenus : « on conserve vos gamètes, mais vous n’aurez pas le droit de les utiliser en France» (Têtu, 2019).

ACCÈS À LA PMA

Entre 2018 et 2021, et comme tous les cinq ans, certains enjeux des lois bioéthiques sont en train d’être révisés. Le Sénat et l’Assemblée nationale ne parviennent pas à s’accorder sur certaines modalités de la PMA, mais les couples de femmes et les femmes seules devraient pouvoir accéder à la PMA (sous réserve du vote). Toutefois, c’est le genre à l’état-civil qui est pris en compte, et non la capacité à procréer.
Cela pose problème pour plusieurs types de configurations parentales.
Pour plus de clarté, nous allons citer plusieurs exemples de couples parentaux, et les biotechnologies qui peuvent les aider dans leur procréation, ainsi que leur statut légal actuel en France.
Notez que dans ces configurations, les personnes trans homme ou femme n’ont fait pratiquer aucune opération génitale.

JE SUIS UNE FEMME TRANS (MTF)

Avec un homme cis ou une femme trans

Cette configuration nécessite une GPA. Le sperme peut être donné par la personne du couple qui le souhaite. La femme trans peut faire conserver son sperme si elle ne souhaite pas garder ses organes génitaux au cours de sa transition.
Selon la loi, si la femme transgenre a fait son changement d’état-civil (CEC), ce couple aurait accès à la PMA (y compris si sa conjointe l’a fait également dans le cas où l’ouverture de la PMA aux couples de femmes soit votée). Or, dans les faits, aucun·e des deux ne peut porter l’enfant, ce qui nécessite une GPA.

Avec une femme cis

Si la femme trans a gardé ses organes génitaux lors de sa transition, la procréation ne nécessite pas d’intervention médicale. Si la femme trans ne les a pas gardés, mais qu’elle a fait conserver son sperme, une fécondation in vitro de la femme cis peut être effectuée. En l’absence de sperme de la femme trans, un don de sperme peut être envisagé.
Si l’ouverture de la PMA aux couples de femmes est votée dans la révision de la loi bioéthique, la PMA sera accessible, quel que soit le genre à l’état civil de la femme trans.

JE SUIS UN HOMME TRANS

Avec une femme cis ou un homme trans

Si aucune personne du couple ne peut porter l’enfant, une GPA est alors nécessaire. Si au moins une des personnes peut porter l’enfant, la situation est la suivante.

Un don de sperme pourrait permettre de féconder l’un·e des deux partenaires.
Si l’homme trans a conservé ses ovocytes, ils peuvent être micro-injectés au sperme du donneur pour obtenir des embryons qui seront transférés à la personne du couple qui souhaite porter la grossesse.
Si l’ouverture de la PMA aux couples de femmes est votée dans la révision de la loi bioéthique, un couple composé d’un homme trans et d’une femme cis aurait accès à un don de sperme, y compris sans changement d’état-civil de l’homme trans.
Un couple composé de deux hommes transgenres n’aurait en revanche toujours pas accès à la PMA si les deux ont déjà effectué leur CEC.

Avec un homme cis

L’homme trans peut potentiellement porter son enfant avec ses propres ovocytes. Si l’homme trans ne souhaite pas conserver ses organes génitaux internes au cours de sa transition, on peut également envisager une GPA (dans les pays où c’est légal) avec des ovocytes conservés auparavant par l’homme trans et le sperme de l’homme cis. Dans cette configuration, la PMA est accessible uniquement si l’homme trans n’a pas effectué de CEC.

NOUS SOMMES UN COUPLE COMPOSÉ D’UN HOMME TRANS ET
D’UNE FEMME TRANS

Dans le cas de la conservation par les deux personnes de leurs organes génitaux, l’intervention de la médecine n’est pas nécessaire à une procréation.
Si la femme transgenre n’a pas souhaité garder ses organes reproducteurs dans le cadre de sa transition, la procréation peut être faite avec le sperme de la femme transgenre, s’il a été conservé. Sinon, un don de sperme par un donneur doit être envisagé.
Si l’homme transgenre n’a pas souhaité garder ses organes reproducteurs dans le cadre de sa transition, cette configuration nécessite une GPA, avec don de sperme par la femme trans. Les ovocytes peuvent être ceux de l’homme trans, s’il a pu les faire conserver.

Si aucune des deux personnes du couple n’a souhaité garder ses organes génitaux dans le cadre de sa transition, une GPA est nécessaire. Celle-ci peut être effectuée à parti des ovocytes conservés de l’homme trans ou le sperme conservé de la femme trans, dans un pays dans lequel la GPA est légale.
Une intervention de la médecine n’est nécessaire que si l’un·e des deux n’a pas gardé ses organes génitaux.
L’accès à la PMA est possible pour un don de sperme si l’homme trans a conservé ses organes génitaux et peut porter l’enfant. Attention, si la femme trans n’a pas encore changé son genre à l’état-civil, et que l’homme trans a déjà changé son genre à l’état-civil, la médecine les considérera comme un couple d’hommes et l’accès à un don de sperme sera légalement refusé.

LISTE DES STRUCTURES QUI PRATIQUENT LA PMA :

Pour effectuer une PMA, il faut se rapprocher d’une des structures qui la pratique. La liste de ces structures est disponible sur le site suivant :
www.fiv.fr/classement-2019-des-centres-de-pma-et-fiv-en-france

DÉROULEMENT D’UNE PMA :

  • consultation d’un·e gynécologue ;
  • bilan de fertilité pour voir quels gamètes peuvent être utilisés, et quels dons sont nécessaires ;
  • entretiens avec une équipe pour comprendre les motivations ;
  • délai de réflexion d’un mois ;
  • demande d’AMP par écrit auprès d’un médecin.

En cas de nécessité de dons de gamètes : déclaration conjointe de consentement devant le président du tribunal judiciaire (TJ) de son choix.

REMBOURSEMENT :

Pour ce qui est de la prise en charge de la PMA par la CPAM, l’Assemblée nationale considère que celle-ci doit être étendue aux femmes seules et aux couples de femmes. Toutefois, le Sénat a voté pour qu’un diagnostic d’infertilité médicale soit nécessaire pour bénéficier d’un remboursement.
La loi sera votée probablement au cours de l’année 2021, et n’est donc pas encore connue au moment de la rédaction de ce livret.

SI VOUS SUBISSEZ UN REFUS DANS VOTRE TENTATIVE D’ACCÉDER À LA PMA :

Les législations grecque, espagnole et belge sont plus souples sur la question.
Texte de loi belge : 2007-07-06/32
Texte de loi espagnol : BOE-A-2006-9292
Texte de loi grec : 4272 7/2014

La loi française prévoit une amende et cinq années d’emprisonnement pour les professionnel·le·s de santé qui informeraient leurs patient·e·s des procédures qui ne rentrent pas dans le Code de la santé publique, comme par exemple les PMA et les GPA à l’étranger (art. 511-24 du CP). Ces risques juridiques expliquent le refus d’aide de certain·e·s praticien·ne·s.
Néanmoins, les professionnel·le·s ont le droit de vous accompagner une fois la grossesse enclenchée.
Par ailleurs, dans le cas malheureux d’un dommage subi au cours de la PMA à l’étranger, la loi française ne pourra pas s’appliquer pour protéger ou indemniser le dommage (TAMBURINI, 2017).

LES ASSOCIATIONS DE SOUTIEN

Nous tenons à préciser que ces associations n’évoquent pas particulièrement une connaissance et une acceptation de la transidentité dans leur mandat, hormis l’APGL.

  • L’Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL)
  • L’ association MAIA : soutien des couples infertiles et militantisme pour l’élargissement de l’accès à la parentalité.
  • Le collectif BAMP : accompagnement des personnes infertiles, en couple ou célibataire, militantisme pour l’amélioration de la PMA.
  • L’association Fiv France : diffusion d’informations pour prévenir l’infertilité.
  • L’ association Don d’ovocytes un espoir : soutien des démarches de dons et de réception d’ovocytes.
  • L’ association ADDED : accompagnement des enfants nés de PMA et des couples souhaitant accéder à ce type de procédure.

FILIATION

Être parent d’un enfant aux yeux de la loi, c’est avoir un lien de filiation reconnu.
Actuellement, la loi n’évoque rien à propos des pères enceints. Ainsi, un homme trans dont l’état civil a été modifié pourrait rencontrer des difficultés lors de la reconnaissance de l’enfant.
Toutefois, l’adage « Mater semper certa est » garantit à la personne qui accouche de pouvoir être reconnue comme parent biologique. En revanche, le papa trans risque alors d’être déclarée « mère » de l’enfant, ce qu’il ne souhaite pas forcément.
Au moment où nous rédigeons cette brochure, il existe au moins deux pères trans ayant accouché de leur enfant qui ont pu bénéficier d’une filiation ne les présentant pas comme mère, mais simplement comme parent biologique.
Les couples de femmes font face aux mêmes types d’obstacles.
Par exemple, dans le cas d’un couple composé d’une femme trans et d’une femme cis ayant procréé sans l’aide de la médecine : dans cette situation, la mère trans ne pourra pas être reconnue directement comme mère naturelle. Elle devra soit faire une reconnaissance de paternité de l’enfant et donc en être déclarée père, soit, si elle a effectué un changement d’état-civil, l’adopter pour pouvoir être déclarée mère ( arrêt de la cour de cassation du 16 septembre 2020 www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/519_16_45426.html ).
Il est envisageable qu’une solution semblable à celle évoquée ci-dessus à propos de pères trans soit utilisée, mais nous ne connaissons à ce jour aucune femme trans ayant obtenu une filiation naturelle sans mention sexuée.
La filiation par adoption pour la femme trans ne peut pas la désavantager en cas de divorce pour la garde des enfants : la filiation par adoption et la filiation naturelle sont équivalentes en termes de droits, et le juge aux affaires familiales ne peut privilégier l’une au détriment de l’autre. Il se fonde uniquement sur les critères de l’article 373-2-11.
Dans tous les cas de figure, qu’il s’agisse d’un enfant conçu naturellement ou par PMA, lorsque la loi le permet, il est préconisé d’effectuer une reconnaissance anticipée devant un notaire de la filiation des deux parents, afin d’anticiper autant que possible les réticences administratives auxquelles vous pourriez faire face.