DÉFINITION DES TERMES
Une personne mineure, du point de vue de la loi française, est une personne qui n’a pas atteint l’âge de 18 ans. La minorité prend fin soit au jour du dix-huitième anniversaire de l’intéressé·e, soit lors de l’intervention d’un jugement prononçant son émancipation.
La personne mineure est placée sous l’autorité parentale conjointe de ses deux parents ou sous l’autorité parentale d’un seul d’entre eux (décès d’un des parents légitimes, jugement de divorce ou de séparation des parents décidant de ne confier l’autorité parentale qu’à un seul d’entre eux, enfant naturel reconnu par un seul des parents), ou encore sous l’autorité d’un·e tuteur·ice dont les actes sont contrôlés par le Conseil de famille.
L’administrateur légal (parent ou tuteur·ice) représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes.
EN PRATIQUE
En tant que personne trans mineure, votre situation juridique, comme beaucoup d’autres, varie considérablement en fonction de vos parents : des parents bienveillants, compréhensifs et favorables à votre transition pourront accompagner votre parcours et vous soutenir dans vos démarches, tandis que des parents qui y sont opposés pourront y faire obstacle de différentes manières.
Avant toute chose, il est important de rappeler qu’en tant que personne mineure, vous avez des droits énoncés dans la Déclaration des droits de l’enfant, dans la Convention internationale des droits de l’enfant, ainsi que dans le Code civil.
Voici, en synthèse, ce qui concerne les droits de l’enfant au sein de sa famille :
Principe de non-discrimination : « ces droits doivent être reconnus à tous les enfants sans exception aucune, et sans distinction ou discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, ou sur toute autre situation, que celle-ci s’applique à l’enfant lui-même ou à sa famille. » (Principes 1 et 10 de la DDE, Déclaration des droits de l’enfant ; préambule et article 2 de la CIDE, Convention Internationale des droits de l’enfant).
Ce droit à la non-discrimination inclut les mineur·e·s trans.
Droit à la santé et à la sécurité matérielle : droit à la Sécurité sociale, à une alimentation, à un logement et à des soins médicaux adéquats (principe 4 de la DDE, articles 23 à 27 de la CIDE). Selon l’article 371-2 du Code civil, « Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l’enfant est majeur ».
Droit à la sécurité morale et affective : « l’enfant doit grandir dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension » (préambule de la CIDE ; « Il doit, autant que possible, grandir sous la sauvegarde et sous la responsabilité de ses parents et, en tout état de cause, dans une atmosphère d’affection et de sécurité morale et matérielle » (principe 6 de la DDE, article 9 de la CIDE)
Droit à l’éducation, au repos et aux loisirs (principe 7 de la DDE, articles 28 et 31 de la CIDE)
Droit à la liberté d’expression, la liberté d’opinion, et à l’information : « L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant [dans les limites de la loi et du respect des droits d’autrui] » ; « Les Etats parties respectent le droit de l’enfant à la liberté de pensée, de conscience et de religion » (articles 13 et 14 de la CIDE)
Droit à la liberté d’association et de réunion, dans le respect du cadre légal (art. 15 de la CIDE)
Droit d’être protégé·e de toute violence physique, sexuelle ou psychologique, de la mise en danger de sa personne et de son développement, ou de toute forme d’exploitation.
Droit à la protection de sa vie privée et de sa réputation (principe 9 de la DDE, articles 9, 16, 19, 32, 34, 37 de la CIDE)
Droit au relais institutionnel : en cas de de maltraitance, d’incapacité ou d’absence des parents, « la société et les pouvoirs publics ont le devoir de prendre un soin particulier des enfants [concernés] » et d’assurer le respect de leurs droits (principe 6 de la DDE, préambule, articles 3, 19, 20, 40 de la CIDE)
Droit à la connaissance de ses droits, à la justice et à l’assistance juridique :
« on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié » (articles 5, 12, 37 et 40 de la CIDE)
Connaître vos droits vous permet d’identifier les situations où ils ne sont pas respectés et, si besoin, de faire appel à la loi. La question du droit des personnes mineures est encore trop souvent méconnue ou oubliée, or, les personnes mineures sont bien des sujets de droit dont la parole doit être prise en compte juridiquement.
L’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) impose ainsi aux États une obligation de considérer l’enfant comme un acteur en capacité de contribuer à sa propre protection en participant aux décisions le/la concernant. En tant que personne mineure trans, vous avez donc un certain nombre de possibilités d’actions juridiques, que nous allons détailler ici.
COMMENT FAIRE UNE TRANSITION QUAND ON EST MINEUR·E ?
Dans le cadre de la transition des personnes trans mineures, c’est l’article 388-1-1 du Code civil qui s’applique : « l’administrateur légal représente le mineur dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux-mêmes ».
En pratique, cela veut dire que pour toutes les démarches de transition ouvertes aux mineur·e·s (par exemple changer de prénom ou accéder à un traitement hormonal) l’accord des deux parents ou de toute autre personne qui a un rôle d’administrateur légal est nécessaire.
CHANGER DE PRÉNOM
Si les personnes majeures (hors tutelle) et les personnes mineures émancipées peuvent faire elles-mêmes la demande de changement de prénom en mairie, la demande doit obligatoirement être effectuée par un·e représentant·e légal·e pour les personnes mineures ou majeures sous tutelle.
Une demande de changement de prénom ne relève pas de la catégorie des actes usuels que pourrait prendre seul l’un des parents. Par conséquent, lorsque les deux parents exercent l’autorité parentale, la demande de changement de prénom devra être effectuée par les deux parents (formulaire-type de demande à renseigner par les deux représentants légaux, accompagné de leurs pièces d’identité respectives). Seule la remise de la demande en mairie pourra s’effectuer par l’un des représentants légaux.
En cas de désaccord entre les parents, le juge aux affaires familiales pourra être saisi pour autoriser le dépôt d’une demande de changement de prénom du/de la mineur·e.
Si l’autorité parentale est exercée par un seul parent, et que le second parent ne dispose pas de l’exercice de l’autorité parentale mais conserve le droit de surveiller l’éducation et l’entretien de l’enfant, ce dernier parent doit être informé de la demande de changement de prénom.
Pour les personnes mineures ne relevant pas de l’autorité parentale (en cas de déclaration judiciaire de retrait total de l’autorité parentale, de condamnation pénale, d’absence de filiation déclarée…) sont compétents, en fonction de la situation, le Conseil de famille (art. 401 al. 3 du Code civil ou art. L. 224-1 du Code de l’action sociale et des familles) ou le Conseil départemental (art. 411 du Code civil).
Si l’enfant a plus de 13 ans, le changement de prénom doit se faire avec son consentement.
Voir la partie « Prénom » de la brochure pour plus d’informations sur cette démarche.
CHANGER DE MENTION DE GENRE
Le changement de la mention de genre à l’état civil n’est actuellement pas ouvert aux personnes mineures non-émancipées en France. L’article de loi indique : « Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification.» Il précise bien l’obligation de l’émancipation pour les personnes mineures.
Toutefois, en autorisant cette procédure aux personnes majeures au nom du respect à la vie privée mais en ne la permettant pas à des personnes mineures, le législateur a introduit ici une discrimination basée sur l’âge. Au nom du respect de la vie privée de la personne mineure et au nom de l’égalité de traitement, il est vraisemblable que le droit français soit amené à revoir sa copie, quitte à ce que cela soit (encore !) fait suite à une condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
COMMENCER UN TRAITEMENT HORMONAL
De même que pour le changement de prénom, l’accord de tous vos administrateurs légaux (parent/s titulaire/s de l’autorité parentale, autres responsables légaux) est nécessaire pour débuter la prise d’hormones. Il faudra fournir au médecin une lettre signée par vos ou votre tuteur(s) expliquant qu’il(s) vous autorise(nt) à démarrer un traitement hormonal avant 18 ans.
Si le médecin est dans l’obligation de vous demander cette lettre d’accord pour se protéger de poursuites en justice, il sera fréquent qu’il vous demande également une attestation psychiatrique, bien que ce ne soit pas une obligation légale.
Vous êtes en droit de refuser et de changer de médecin le cas é chéant.
Si vos tuteurs légaux refusent de consentir à un acte de soin vous concernant mais que ce refus de traitement risque d’entraîner des conséquences graves pour votre santé, vous avez le droit à ce que le médecin effectue les soins indispensables sans le consentement de vos tuteurs légaux (art. L1111-4 et L1111-5 du Code de la santé publique).
Nous n’avons à ce jour pas connaissance de personnes mineures ayant utilisé ces articles de loi pour accéder à une transition, par exemple dans le cas où un seul des deux parents soutienne la démarche de son enfant. Il s’agit cependant d’un article potentiellement intéressant dans ce type de situations.
De façon plus générale, en cas de désaccord entre les parents sur la transidentité de leur enfant, il est possible de saisir le juge aux affaires familiales afin qu’il autorise un seul des parents à prendre cette décision, en considération de l’intérêt de l’enfant. Il est primordial de disposer d’un solide dossier médical pour justifier la nécessité de la transition auprès du juge.
Le recours à un avocat n’est pas obligatoire, mais il est très vivement recommandé, étant donné la technicité du sujet.
Une autre solution, si vous avez 16 ou 17 ans, consiste à obtenir une émancipation. Elle peut être demandé par un seul des deux parents auprès du juge des tutelles (art. 413-2 et suivants du CC).
ÉMANCIPATION
À partir de 16 ans, un·e mineur·e peut être émancipé·e suite à une demande d’un parent ou par le Conseil de famille (art. 413-1 et suivants du CC). Un·e mineu·re ne peut seul·e formuler cette demande. L’émancipation permet à une personne mineure de ne plus être soumise à l’autorité parentale, ce qui inclut les décisions médicales.
C’est une solution qui peut donc être envisagée dans les cas où un des parents s’oppose catégoriquement à la transition de son enfant. Elle peut également être intéressante pour que l’adolescent·e trans puisse effectuer la procédure de changement de mention du sexe à l’état-civil, qui, contrairement au changement de prénom, n’est pas permise aux mineur·e·s non-émancipé·e·s.
Toutefois, la demande d’émancipation est soumise à l’approbation du juge des tutelles. Celui-ci se forgera un avis sur la pertinence d’accéder à la demande après audition d’un ou des parents et de l’enfant.
Source : www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1194
BÉNÉFICIER DU SECRET MÉDICAL
Dans certains cas, vous pouvez être amené·e à désirer consulter des médecins sans que vos parents en soient informés, y compris en dehors du cadre de votre transition. Cela peut par exemple être le cas si vous subissez des violences ou avez besoin de contraception ou d’un accompagnement psychologique.
Par défaut, dans le cadre médical, les titulaires de l’autorité parentale / les tuteur·ices légaux reçoivent directement l’information concernant le/la patient ·e mineur·e, au cours d’un entretien individuel en présence ou non du mineur. Cela concerne les différents traitements et actions qui sont proposés, leur utilité, les risques qu’ils comportent ainsi que les autres solutions possibles et les conséquences en cas de refus ; les titulaires de l’autorité parentale ont également accès de droit au dossier médical de la personne mineure. Hors mention contraire, c’est également à vos tuteurs légaux qu’il revient de prendre la décision d’accepter ou non l’acte médical proposé, votre avis doit toujours être consulté (« Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision », art. L1111-4 CSP).
Cependant, plusieurs cas de figure permettent au médecin de se dispenser du consentement des titulaires de l’autorité parentale pour effectuer des actes, ou pour garder confidentielles les informations du/de la patient·e mineur·e.
Ainsi, en tant que personne mineure, vous avez droit à venir consulter seul·e à l’hôpital, sans l’accord de vos parents ou tuteurs, et de bénéficier d’un examen médical confidentiel dès lors que le secret n’est pas susceptible de compromettre gravement votre santé ou votre sécurité.
Les situations de santé mentale critique, les situations d’addiction ou les maltraitances physiques ou psychologiques peuvent faire l’objet d’un examen médical confidentiel, entre autres exemples.