PRISONS

Les prisons françaises sont souvent épinglées par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) pour vétusté et mauvais traitements. La France a en particulier été condamnée pas moins de dix-neuf fois par la CEDH, selon un décompte de l’Observatoire International des Prisons (OIP), pour des conditions de détention violant l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui prohibe la torture et les traitements inhumains ou dégradants.
Des difficultés s’ajoutent encore pour les détenu·e·s trans, qui sont en pratique affecté·e·s dans une prison pour hommes ou pour femmes en fonction de leurs organes génitaux et non de leur état-civil.

ACCÈS AUX SOINS

L’accès aux soins est difficile en prison, et les soins peuvent être considérablement ralentis. Pour demander un traitement en prison, il est possible de contacter le médecin extérieur qui vous suit habituellement afin qu’il/elle contacte le/la médecin de l’UCSA (Unité de Consultations et de Soins Ambulatoires, une unité médicale de l’APHP détachée à votre lieu de détention), ou d’envoyer vous-même une demande écrite à l’UCSA pour obtenir une consultation à l’issue de laquelle vous pourrez avoir une ordonnance.
Les listes d’attente pour une consultation peuvent toutefois être extrêmement longues, et les ordonnances liées à la transition peuvent toujours être refusées sous prétexte qu’elles ne sont pas considérées comme vitales.
Le Défenseur des droits rappelle dans son rapport de 2020 que l’article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 garantit que les personnes incarcérées bénéficient d’une qualité de soins identique à celui de l’ensemble de la population, ce qui doit donc inclure la possibilité pour des personnes trans de pouvoir consulter des médecins et accéder aux hormones, que ce soit dans le cas d’un début de transition ou d’une transition commencée avant l’incarcération.

MAUVAIS TRAITEMENTS

Les mauvais traitements en prison sont fréquents, et les personnes trans peuvent subir de la transphobie au sein de l’établissement où elles sont incarcérées.
Le plus souvent, le personnel de la prison préfère garder les détenu·e·s trans à l’isolement, ce qui est en fait habituellement une sanction pour les autres détenus.
L’isolement interdit toute communication avec d’autres détenus, l’accès au parloir sauf pour voir son avocat, les activités et les promenades collectives et prive de l’usage d’une radio ou d’un poste de télévision. Le maintien en isolement tend aussi à rendre plus difficile l’accès aux soins, puisqu’il faut parfois faire rentrer tous les autres détenus dans leurs cellules pour permettre aux personnes trans à l’isolement de se rendre en consultation.
Le Défenseur des droits dénonce dans son rapport de 2020 l’incarcération de femmes trans ayant changé d’état-civil dans des prisons pour hommes, ainsi que leur fouille par des surveillants de sexe masculin, au mépris de l’article R57-7-81 du Code de procédure pénale.

Suite au suicide de Nathalie en novembre 2012 au centre pénitentiaire de Caen, le jour où elle a appris le rejet de sa demande de changement de prénom, l’Observatoire International des Prisons avait investigué et établi les faits suivants :« Tout au long de sa détention, Nathalie s’est plainte du manque de respect de sa [transidentité], voire de véritables brimades. Fouilles à nu ayant pour seul but de constater qu’elle demeure anatomiquement un homme, interdiction de certains effets féminins ou de produits spécifiques… des refus et brimades qui entrainent régulièrement des incidents. Le 23 février 2012, elle est sanctionnée d’un avertissement pour avoir « déchiré [son] étiquette de porte […] en prétextant qu’elle portrait [son] prénom [masculin] et [qu’elle ne pouvait] le supporter ». Le 14 juin, il lui est reproché en commission de discipline de détenir un fer à défriser, qu’elle soutient pourtant avoir en sa possession depuis son arrivée de Fresnes. Elle est relaxée. Le 25 juin, alors qu’elle a l’accord de la direction et du responsable des ateliers de porter un maquillage léger en détention, les surveillants l’empêchent d’accéder maquillée au travail et la réintègrent de force dans sa cellule, lui occasionnant une journée d’arrêt de travail. »

Source:
oip.org/analyse/caen-le-suicide-dune-transsexuelle-met-en-evidence-des-carences-deprise-en-charge

RECOMMANDATIONS OFFICIELLES

En juin 2010, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a formulé les recommandations suivantes concernant les conditions d’incarcération des personnes trans :

  • faire bénéficier les personnes trans, tout au long du parcours de soins, d’un accompagnement par une équipe médicale de référence clairement identifiée ;
  • faire en sorte que ces personnes bénéficient d’une information satisfaisante et d’un accompagnement suffisant ;
  • veiller à ce que leur intégrité physique soit protégée sans que cela conduise nécessairement au placement à l’isolement ;
  • faire respecter le droit à l’intimité et à la vie privée.

Ces recommandations ont été signifiées aux ministères de la Justice et de la Santé, qui ne s’y sont pas opposés. Force est de constater que peu de choses ont pourtant changé dans les conditions de détention depuis.
Enfin, le Défenseur des droits a formulé les recommandations suivantes dans son rapport de 2020 :
« Le Défenseur des droits recommande que les personnes transgenres incarcérées soient affectées dans un établissement ou un quartier correspondant à leur identité de genre dès lors que ces dernières en expriment la volonté et sont engagées dans un parcours de transition sans attendre que le changement d’état civil soit intervenu. Les fouilles devraient alors être réalisées par des agents du même genre, préalablement sensibilisés à la transidentité.
Enfin, le Défenseur des droits rappelle que les personnes détenues qui manifestent leur sentiment d’appartenir à l’autre sexe doivent pouvoir bénéficier d’une prise en charge médicale adaptée et que l’administration pénitentiaire doit garantir la continuité et la régularité des extractions médicales aux personnes déjà engagées dans un parcours de soins ».

Sources :

OIP – Pourquoi la France est-elle régulièrement condamnée pour l’état de ses prisons ?

Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avis du 30 juin 2010 relatif à la prise en charge des personnes transsexuelles incarcérées